jeudi, novembre 02, 2006

LA PLUS GRANDE VIOLENCE

"L'actualité d'une réflexion sur la "violence" s'impose d'elle-même. Cependant, je ne peux pas plus m'en tenir à la volontairement vague "condamnation" de la violence d'où qu'elle vienne qu'à son apologie. Si la violence n'est pas pour moi un absolu de péché (ou de salut), c'est parce qu'elle n'est pas un absolu du tout, et pour bien en marquer le caractère relatif, j'avance comme une hypothèse l'existence d'une "plus grande violence" à laquelle affronter chaque autre. Mais qu'est-ce que cette "plus grande violence" jamais clairement désignée ainsi, innommée et innomable ?....

C'est cette violence-là qui fait que dans le Nord-Est brésilien, on meurt de vieillesse à 28 ans ou bien qu'une femme bolivienne ne nourrit que trois de ses quatre enfants, parce que (dit-elle), le "quatrième est maladif et serait probablement mort de toutes façons, et puis, je n'ai pas assez de nourriture pour les quatre" (in "Les Temps Modernes", spetembre 1967). Alors devant une telle réalité, Camilo TORRES (prêtre colombien) peut dire dans son appel à la population : "Le peuple sait qu'il ne lui reste que la voie armée".

Comment caractériser, désigner cette réalité ?Si vous regardez une grande montagne, vous n'avez aucune chance d'en évaluer d'emblée le pods...Mais si vous tentiez de vous redresser comme un homme avec cette montagne sur le dos, ou si elle se mettait à glisser parce que ses fondements sont pourris et qu'elle vous passe dessus,alors c'est dans l'écrasement que vous connaitriez le poids de cette montagne d'ordre établi, de situations acquises, de structures immuables, de statu quo social, politique et religieux, comme celui de la "plus grande violence" qui se puisse faire. Et vous prendriez les armes aux côtés des guerilleros en répétant les paroles de Jérémie : "Ils disent paix, paix, et il n'y a pas de paix..."

Qu'en est-il de cette "plus grande violence" ? Trois aspects se retrouvent dans nos analyses : celui du mensonge :elle ne se donne jamais à connaître comme une violence, mais comme son contraire : l'ordre naturel des choses. ; - celui de l'immobilité, du statu quo qui ne demande rien que de n'être pas bouleversé, de la coagulation, de la cristallisation de toutes les situations; - celui du meurtre, aboutissement dernier du refus de tout mouvement, cette réalité tue les hommes et leurs pensées, sans trembler, avec bonne conscience."

(Extrait d'un article du pasteur-ouvrier Xavier MICHEL-JAFFARD - 1967)

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